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Contexte et enjeux

L'ouest de l'Ouganda et tout particulièrement le parc national de Kibale abrite une extraordinaire biodiversité. Cependant, cette zone est aujourd'hui fortement dégradée autour du parc, par les activités agricoles (monoculture intensive du thé, petits jardins vivriers et plantations de plantains) qui contribuent à la déforestation, réduisent la biodiversité, polluent sols et rivières et contribuent au développement de malformations faciales chez les chimpanzés et les babouins ;au sein du parc, en forêt, par des prélèvements illégaux de ressources végétales et animales, associés à un sentiment d'injustice face à une aire protégée qui, selon les riverains interdits de forêt depuis 1993, ne génère que de la pauvreté et de la malnutrition.

La situation ougandaise témoigne d'un contexte général alarmant.

Le projet se situe à l'extrême Nord du Parc national de Kibale (PNK) en Ouganda géré par l’Uganda Wildlife Authority (UWA). Cette zone, située à une vingtaine de kilomètres de Fort Portal, sur les contreforts du Rwenzori, appartient aux districts de Kyenjojo et Kabarole, qui comptent respectivement 451 600 et 487 600 habitants au recensement de 2016.

Dans cette région, le 20ème siècle a été désastreux pour les humains, la faune sauvage et les forêts : ce projet a pour objectif de contribuer à rétablir l'équilibre autour de cette zone forestière soumise à un commerce de l'ivoire puis à un braconnage intense des éléphants, à l'expulsion des locaux pour la création du PNK et enfin à l'expansion de la monoculture de thé. Aujourd'hui, les zones cultivées et les pâtures représentent 40% des terres dans une bande de 5 km en périphérie du parc alors que le couvert forestier s'est réduit et fragmenté. La densité de population est très élevée et a connu de plus une croissance de 300% entre 1959 et 1990. Les communautés Kiga et Tooro vivant autour du parc pratiquent une agriculture de subsistance. Deux sociétés de thé se partagent le territoire autour du parc et couvrent 25% des terres dans une bande de 2500m autour du territoire des chimpanzés de Sebitoli. Le prix du thé dépend de la qualité du produit, qui est moyenne dans le cas de l'Ouganda malgré une collecte à la main qui pourrait être valorisée.

Malgré ce passé récent chaotique, le PNK concentre sur ses 795 km2 de forêt tropicale une extraordinaire biodiversité et des espèces menacées et emblématiques comme le chimpanzé et les éléphants de forêt et de savane. Mais cette zone est aujourd'hui fortement dégradée (1) autour du parc, par les activités agricoles qui contribuent à la déforestation, réduisent la biodiversité et polluent sols et rivières et (2) en forêt, par des prélèvements illégaux de ressources végétales et animales du parc, associés à un sentiment d'injustice face à une aire protégée qui, selon les riverains interdits de forêt depuis 1993, ne génère que de la pauvreté et de la malnutrition.

Depuis 2008, le Projet pour la Conservation des Grands Singes (PCGS) et le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) étudient les chimpanzés et leur écosystème à Sebitoli et, en particulier, leurs réponses aux activités humaines dans le cadre d'accords de collaboration avec l'UWA. En 2015, la station de recherche et d'étude de Sebitoli, gérée par PCGS et implantée dans le parc, a été ouverte. Le Sebitoli Chimpanzee Project (SCP) emploie à l'année 24 ougandais issus des villages voisins pour des actions de conservation (recensement des activités illégales), de sensibilisation, des projets de développement et de réduction du conflit homme-animal en complément des activités de recherche. Les études de l'équipe montrent qu'à la bordure du parc, les éléphants, babouins et chimpanzés pillent quotidiennement les champs et les jardins des agriculteurs. La pauvreté et la malnutrition touchent fortement les communautés locales dont les cultures sont détruites par ces incursions. Conséquence des conflits homme-faune : 1/3 des chimpanzés ont des amputations de membres, victimes indirectes des pièges posés pour capturer du petit gibier. La situation est tendue entre les locaux et l'UWA, et les actions sont très insuffisantes pour protéger la faune et la flore du parc (400 pièges retirés sur le territoire de 25km2 en 1 an, 36% des 3 000 riverains consommateurs de viande de brousse, alors que la chasse est strictement interdite en Ouganda).

Par ailleurs, les sociétés de thé et les petits producteurs bordant le parc font usage d’intrants chimiques qui menacent la santé des usagers de ces territoires et des utilisateurs de ces produits et sont également sources d'inquiétude pour l’écosystème forestier et sa faune. Dans cette zone du parc, 25% des chimpanzés et de nombreux babouins présentent des malformations faciales (bec de lièvre, absence de narines), des hypopigmentations des absences de cycles reproducteurs pour les femelles chimpanzés… Le projet s’inspirera de l’exemple de COMACO (Wildlife Conservation Society) qui a montré l’efficacité d’allier conservation d’un écosystème (la vallée de Luangwa en Zambie), pratiques agricoles durables avec réduction des intrants chimiques, accès au marché et développement communautaire (depuis 1998, 31 coopératives impliquant 61 000 fermiers ayant en moyenne triplé leurs revenus).

Le projet porte 3 grands enjeux d’innovation : Une approche globale et intégrée, une approche transformationnelle des gouvernances locales et des filières agricoles et une approche pluridisciplinaire de recherche-action.